Norfolk, Virginia à Cape May, New Jersey ou la journée de Big Dog!

Coucher de soleil du 7 juin, une journée magnifique terminée en pleine mer

Journée spéciale le 7 juin que je dédie à ma mère décédée il y a exactement 7 ans. J'ai évidemment bien pensé à elle. Le temps adouci les angles, mais on n'oublie jamais. Comme elle aurait aimé cette Grande Fugue! Elle qui adorait la voile. Initiée par sa grande amie Lucille Koenig qui fut aussi mon premier prof de voile, à bord du Rigodon, elle admirait la perspective, les couleurs des paysages, le son des vagues et des voiles. "Déchiremment beau!" disait-elle, d'un mot inventé de toute pièce par elle. J'ai aussi beaucoup pensé à Anne-Marie qui vient tout juste de perdre sa mère. Quel rôle ces femmes ont joué dans nos vies! Mères, mentors et présidentes de nos fans club!

Revenons à la voile! De Norfolk, nous avons décidé de mettre le cap sur Cape May (24 h) plutôt que sur New York (48h) car on nous annonçais du mauvais temps (du vent et éventuellement de la pluie et du vent). Par une belle journée ensoleillée nous sommes sortis de la Baie de Chesapeake vers la mer et vers le Nord. 
Paul et André regardent le radar gourmand d'énergie. On doit choisir entre le radar et l'autopilote: on choisit l'autopilote!

Avec un peu de chance, le vent fut justement dans la bonne direction pour que nous puissions hisser la grande voile et dérouler le génois. Bon, malheureusement, avec 9 nœuds de vent, on ne fait pas de miracle, n'est-ce pas Philippe? Nous avons donc gardé le moteur. Mais Paul nous assurait que le vent allait débuter cette nuit et que nous pourrions en fait profiter du vent arrière plutôt qu'aller au près serré. Après s'être obstinés avec les voiles, nous les avons affalées et poursuivi notre route à moteur.  :(

Heureusement qu'il ronronne celui-là! Toute la nuit durant, il a chanté sa chanson monotone mais sur laquelle, avec un peu d'imagination, vous pouvez juxtaposer une série de symphonies. Pour pouvoir écouter la radio VHS et les faibles alertes de l’auto-pilote qui averti d'un désalignement, nulle question d'avoir des écouteurs dans vos oreilles et de la musique plein la tête. Vaut mieux utiliser celle qui est déjà dans votre tête et la rejouer des heures durant. C'est vraiment très bien. Isabelle saura me dire comment le cerveau permet-il à cette mémoire musicale de s'exprimer si vivement ou encore de créer de toute pièce de nouvelles harmonies.

Ce qui me ramène à la mer et à ses vagues qui se succédaient lentement, un long rouleau après l'autre. Une mer accueillante, berçante et rassurante. 

Paul admire le coucher de soleil

Mon premier quart de nuit était de 10h à minuit. Pas de lune, car la paresseuse se levait pour ne laisser voir que sa demie vers 12h30. Quel doux spectacle. Finalement, il ne faisait pas noir du tout, le ciel éclatait de tous ses feux. On distinguait clairement la voie lactée, et les formations étaient étincelantes de clarté. Un ciel "déchiremment beau"!  Les vagues que nous croisions et qui avaient légèrement cassé semblaient phosphorescentes. Elle auraient pu l'être si nous avions croisé des bancs de plancton phosphorescent. Mais tel n'était pas le cas. Paul avait mis le génois et c'est ce génois qui, illuminé des feux de navigation, se réfléchissait sur les mousses des cassures de vagues. Féérique! 

Soudainement, une autre alerte sonore, juste au moment où j'étais sur le point de donner le gouvernail à André. L'ordinateur de bord m’avertis que le fond n'est qu'à 13 pieds alors que ma carte marine m'indique 60 et nous roulons à 7,5 nœuds, un train d'enfer pour un voilier. Si on s'échoue, nous serons passablement secoués. Je baisse les rotations du moteur. Paul se réveille et André est déjà à la porte pour savoir ce qui se passe. J'explique. On ne comprends pas. André regarde le profondimètre. Il indique 15 pieds. Mieux mais pas beaucoup. Nous avons besoins de 6 pieds... Et soudainement on revient à 60 pieds de profondeur. Il semble que nous ayons passé un banc très dense de poissons ou encore des baleines car aucune anomalie n'apparait sur la carte. Nous avons donc poursuivi notre route. J'ai appris un peu plus tard que des requins blanc de plus de 3 tonnes rodent dans les parages... Beau temps pour la baignade!

Le lever du soleil était lui aussi "déchiremment beau!". Vous n'aurez pas de photos car, j'étais seule à la barre sans appareil. Il faudra me croire! Le spectacle grandiose des étoiles n'y était plus depuis déjà un moment, la lune ayant pris pas mal de place dans le rayonnement nocturne.
Mon quart du matin
Quand j'ai pris les gouverne à mon quart de 10h du matin, Paul avait remis le génois et nous filions à toute allure: 8 nœuds voir parfois 9 nœuds. Notre bateau coupait les vagues. Le vent était de 18 nœuds. Comme nous étions vent arrière, les vagues nous poussaient et nous faisions du planage sur les vagues. Tout cela avec le génois et, malheureusement... le moteur. La grande voile dormait dans sont lit...  C'était grisant! L'hélice en avait du mal à suivre la vitesse du bateau et vibrait. J'ai même vu une pointe de vitesse à 10,7 nœuds!

Rapidement, nous étions arrivés à Cape May sauf que l'entrée du chenal était loin d'être évidente. N'eut été de mon gps, je l'aurait certainement manquée! Et avec un tel vent, vous pouvez imaginer les vagues et la dérive...


J'ai réussi à faire mon chemin, en me trompant dans une ruelle de bateau bien entendu, mais j'en suis sortie. Arrivée à la marina (à droite, à droite puis à gauche), quand j'ai vu dans quel trou le type de la marina voulait que j'entre par tribord, j'ai eu un frisson. Le vent était toujours très très présent. Les gens de la marina voulaient que je me recule en place. Avec le pas d'hélice qui allait plutôt vers bâbord, on était mal parti. j'ai donc manqué mon coup. Mon bateau a pivoté tranquillement mais surement. À ce moment là, je l'ignorait, mais un autre élément jouait contre nous: un courant. Le vent et un courant dans une zone inconnue, d'orientation non définie avec un bateau qu'on tente toujours d'amadouer, c'est une combinaison dangereuse. Entourée de gros bateaux de pêche de grande valeur (genre 50 ou 60 pieds et trois étages de haut), La Grande Fugue, notre grande élancée, mal habile grâce à notre inexpérience, tentait désespérément de se trouver une place et de tourner. Les gars de la marina avait beau tenter de nous crier des suggestions de manœuvre, rien n'allait. 

Une marina assez occupée avec de gros joujoux


Les goûts ne sont pas à discuter: voici Big Dog
Paul a suggéré de prendre le gouvernail. Disons qu'il y allait plus fermement que moi dans les commandes. Avec les avants et arrières successifs, les bisous à Big Dog un gros bateau de pêche à chalut en acier qui reposait calmement, sans déranger personne (oui, oui des baisers intenses que je tentais d'amortir avec une défense), le moteur de la Grande Fugue commençait à sentir le chauffé et les instructions pleuvaient de ma part, de la part des gars de la marina ainsi que des propriétaires de bateau inquiets pour leur navire... Toute une scène que plusieurs badauds rassemblés à un resto en plein air juste à côté ont regardé sans doute en pariant pour des dégâts majeurs! La Grande Fugue était comme un éléphant dans un magasin de faïences.




 Finalement nous avons choisi de nous accoster par bâbord, ce qui est plus simple pour la Grande Fugue (son côté naturel si vous voulez). Nous sommes sortis de la minuscule marina (qui contient tout de même 70 bateaux!) pour mieux y revenir. En sortant j'ai repris les commandes pendant que Paul et André changeaient amarres et défenses de côté. Tranquillement j'ai fait pivoter la Grande Fugue pour revenir très tranquillement à l'endroit prédestiné. L'approche était lente et calme cette fois. Une première amarre lancée fut attrapée par un des gars de la marina. Mais lentement et non moins surement, le bateau se mit à pivoter à nouveau pour devenir perpendiculaire au quai. J'avais beau tenter des manœuvres de redressement, La Grande Fugue restait sourde à mes commandes. Près de 20 minutes de tatillonnage avant-arrière (sans surchauffe) et de manoeuvres à quai par les deux gars de la marina aidés de mes coéquipiers furent nécessaires pour ramener le bateau parallèle au quai.

La voici enfin Rangée avec ses nouveaux amis!  :)
Petite égratignure, souvenir de Big Dog...
 
J'étais en lavette après cet exercice. Mais tous se portent bien, même Big Dog!!
La belle Annabelle et ses propriétaires avaient bien peur car ils avaient la poupe de La Grande Fugue sur eux quand elle donnait ses bisous à Big Dog!

Par ailleurs, Cape May a son charme!

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